Être politique dans sa boîte, ça veut dire quoi ?

 On ne vous apprend rien : les enjeux de pouvoir sont courants dans les entreprises. Pourtant, être taxé de “politique” sonne rarement comme un compliment. Peut-être à tort : nos experts s’élèvent contre quelques idées reçues et nous donnent leurs tuyaux sur le sujet.

Une expression péjorative… teintée de jalousie

Trouver quelqu’un qui assume être “politique” ? Pas facile. « C’est vrai que dans une boîte on se vante rarement d’être politique », plaisante Benjamin Fabre, auteur du guide Comment devenir un parfait fayot au bureau. Fayotage, manigances, manipulation : les perceptions du jeu politique restent peu amènes. Selon cet ancien de l’Essec devenu consultant stratégie en entreprise, « quelqu’un de politique est surtout un spécialiste des jeux de pouvoirs, des alliances et des luttes d’influences dans des groupes et organisations un peu compliquées ». On l’est, mais on ne le dit pas. Et pour cause : dire de quelqu’un qu’il est politique sonne, souvent, comme une insulte. « C’est péjoratif, oui, mais aussi par jalousie. Souvent, on déteste le politique parce qu’on se dit que ce bougre sait y faire et a bien compris comment manœuvrer… »

Être politique : une ambition personnelle assumée…

Manœuvrer, certes, mais pour quoi faire ? « D’une certaine façon, être politique, c’est obéir à un plan de carrière, analyse Émilie Devienne, coach et auteure du guide Les 50 lois des femmes qui réussissent. Les plus politiques sont les plus stratèges. Ils savent exactement où ils veulent et comment y arriver. Pour cela, ils savent combien de temps ils doivent rester à un poste et avec qui ils doivent déjeuner à la cantine ou réseauter pour bouger en temps utile. »
Est-ce si répréhensible ? « On ne peut pas vraiment leur en vouloir car c’est souvent une nécessité dans une carrière, relativise Benjamin Fabre. Si on ne participe pas à ce jeu, c’est compliqué de se faire entendre et de réussir. Il y a des enjeux de pouvoir partout. Être politique, c’est jouer le jeu. »
 

… ou simplement mettre son relationnel au service de l’entreprise

En même temps, le “politique” en entreprise peut, aussi, servir le dessein de son employeur. « Un cadre est responsable de l’atteinte de ses objectifs, pour y parvenir il va devoir mettre en œuvre des compétences techniques et relationnelles, le sens politique en fait partie, rappelle Stéphanie Roels, coach de managers et dirigeants chez Elysée coaching. C’est une compétence comportementale qui permet au cadre d’atteindre ses objectifs, et ceci dans l’intérêt de l’organisation. »
Qu’il soit expert, chef de projet, manager ou dirigeant, on va parfois attendre du salarié qu’il conduise des changements. « Or cela ne se fera pas sans s’appuyer sur les règles et usages formels et informels qui régissent l’entreprise, les messages doivent être passés au bon moment, de la bonne façon et à aux bonnes personnes pour avoir de l’impact, c’est ça le sens politique. » « Pour sa réussite dans l’entreprise, être politique, c’est avoir un sens relationnel avec ses supérieurs ou ses subordonnés, ajoute Émilie Devienne. Mais aussi les parties prenantes de l’entreprise, c’est-à-dire les fournisseurs, lobbyistes ou les syndicats. À différents niveaux, la politique, c’est ce qui va permettre qu’une stratégie se mette en œuvre. »
 

Être politique et (un minimum) honnête, c’est possible !

Stéphanie Roels combat d’ailleurs une autre idée reçue : être politique n’est pas une compétence incompatible avec… l’intégrité. Pour cette consultante, il s’agit moins de manipuler l’autre que de s’adapter à son interlocuteur. Dès lors, elle invite ses clients à développer cinq compétences-clé : être sincèrement à l’écoute des autres, prendre du recul pour comprendre les motivations et les enjeux, ne pas perdre son objectif de vue et gérer ses émotions, être attentif à son intuition, et enfin… être éthique. « Sinon vous ne durerez pas… »
Pour en avoir été témoin, Benjamin Fabre confirme. « On peut être politique sans être un odieux personnage. Justement si on est politique, et en plus relativement intègre et compétent, on peut devenir le roi du pétrole ! Au contraire, celui qui est à la fois politique, malhonnête et mauvais n’ira pas loin. »
 

Mais n’est pas politique qui veut

De quoi réconcilier tous les salariés avec le jeu politique en entreprise ? « Mais encore faut-il pouvoir le pratiquer », nuance Emilie Devienne. Car sans être malhonnête, le politique ne sera pas toujours complètement transparent. « C’est le boulot, tranche la coach. On n’est pas des amis. Je note une tendance à la psychologisation excessive de la vie professionnelle. »
Dès lors, tous les profils ne sont pas doués pour la politique en entreprise. Et la consultante de citer les “empathiques” qui « ont besoin de sentir que tout le monde les aime ». Qu’ils se rassurent toutefois, cela se soigne. « Je rappelle souvent à mes coachés que l’entreprise n’est pas une famille. C’est avant tout un système qu’il faut comprendre. »
 
Source : Keljob